Entendre et comprendre, avec l’histoire d’une petite fille qui se rend à la foire. (14)
Objectifs
- le pluriel des articles
- s’exercer à construire des phrases et à parler en langue corse
Grammaire : quelques notions sur le pluriel
> Le pluriel des articles définis :
Exercice d’observation :
Écouter les extraits ci-dessous 1 et en déduire le pluriel des articles définis au masculin
le châtaignier – les châtaigniers
le cadeau – les cadeaux
* Remarque (polynomie) :
Dans les parlers du sud, certains noms masculins qui ont un singulier en -u peuvent avoir un pluriel en -a. Exemples :
les arbouses (nord et centre) | les arbouses (sud)
les cadeaux (nord et centre)– les cadeaux (sud)
Dans le régiolecte méridional, le masculin à voyelle finale atone compte quatre classes (alors qu’il en compte trois dans les régiolectes septentrional et central). 2
Exercice d’observation :
Écouter les extraits ci-dessous 3 et en déduire le pluriel des articles définis au féminin
la forêt | les forêts (nord) – la forêt | les forêts (centre et sud)
la pierre| les pierres (nord) – la pierre | les pierres (centre et sud)
* Remarque (polynomie) :
Cette différence entre le régiolecte septentrional et les deux autres régiolectes, concernant les articles féminins au pluriel, s’explique par le fait que la zone nord compte davantage de voyelles atones ( = voyelles qui ne portent pas l’incalcu (ou accent tonique)) que les deux autres zones. Parmi ces voyelles atones supplémentaires : la voyelle atone [ɛ] (è), qui ne peut donc apparaître qu’au nord. Cf. La langue corse et ses régiolectes – le vocalisme
Exercice de révision :
Connaissant la manière dont s’exprime la possession avec l’adjectif possessif,
(article défini + adjectif possessif + nom | cf. 1.11 – Adjectifs possessifs (première approche) ; chì, pronom relatif),
retrouver dans les enregistrements suivants (issus du dernier extrait écouté : 1.12 – Pronoms personnels (première approche)) les adjectifs possessifs et en donner le genre et le nombre.
centre puis nord
centre puis nord
> Le pluriel des articles indéfinis
Observation
Dans l’énumération ci-dessus, extraite de « U camminu di i bachi rossi » 4 (p.52) (cf. 1.4), on constate l’absence de déterminants.
Explication
Mathée Giacomo Marcellesi, linguiste, explique dans un de ses articles 5 que la langue corse n’a pas de forme spécifique correspondant à l’article indéfini pluriel (et qu’il en est de même pour l’article partitif, le plus souvent).
L’article indéfini pluriel est donc :
– soit absent (ce qui, pour Mathée Giacomo, correspond à la fonction anaphorique)
– soit exprimé par l’article défini pluriel : « Le fait que le corse ne dispose pas d’un morphème distinct pour distinguer ces deux catégories [ndlr : le défini et l’indéfini] peut laisser entendre que cette distinction n’existe pas au pluriel, ce qui confirmerait l’hypothèse selon laquelle l’indéfini est incompatible avec le pluriel ou celle selon laquelle il n’y a pas d’article indéfini ». Exemples (donnés par M. Giacomo) : « Vigu i casi (je vois les maisons /je vois des maisons) , (…) No ťaviami i vaccini, i pecuri, i capri (Nous, nous avions des bovins, des brebis, des chèvres) ». 6
En pratique
Les manuels (dont Cuntrasti ou U Corsu Bellu Bellu 2.0) mentionnent seulement l’inexistence de l’article indéfini pluriel 7 (sans faire allusion à l’éventuelle utilisation de l’article défini pluriel que relève Mathée Giacomo Marcellesi).
Le webmaestru de A lingua corsa évoque, comme Mathée Giacomo, l’utilisation possible de l’article défini (pour combler l’absence de l’article indéfini au pluriel). 8
Alors qu’en est-il vraiment (dans la langue de tous les jours, parlée ou écrite) ?
Et s’il faut tenir compte des deux possibilités (absence d’article ou utilisation au pluriel de l’article défini), dans quels cas utiliser l’une ou l’autre ?
> Tableau récapitulatif sur les articles (définis et indéfinis) 9
Exercices
> Traduire ce qui suit 10
nord puis sud
> Raconter une petite histoire en utilisant ce qui a été vu jusque là.
Licence scénaristique :
Tant pis si le scénario manque de cohérence. Le vocabulaire étudié est encore limité (sans parler des verbes qui ne sont, pour la plupart, connus qu’à une, deux ou trois personnes seulement) ; il est donc normal d’avoir du mal à construire une historiette ancrée dans la réalité. Alors peu importe si Carulina décide de vendre un sanglier au sonneur, si le sonneur souhaite faire danser les renards ou si le renard joue à la mourre ; l’important c’est d’utiliser et de prononcer les mots et de construire des phrases.
Exemple : *
Petit texte en corse
Avertissement :
Ce texte essaie de respecter les règles phonologiques, morphologiques et lexicales du parler de la Gravona (régiolecte central).
Il a été enregistré par une locutrice dont le corse n’est pas la langue maternelle (et qui a commencé à apprendre la langue corse il y a moins de trois mois). Il peut y avoir des erreurs (de prononciation, d’accentuation, de prosodie, etc.) – et toutes les remarques aidant à réparer ces erreurs seront les bienvenues. Ce n’est donc pas un modèle à suivre, mais un simple exemple d’exercice d’expression visant à manipuler et à utiliser le vocabulaire vu jusqu’ici.
* Exercice possible : traduire le petit texte du corse vers le français, puis du français vers le corse.
Mais Carulina voit le renard.
La petite fille dit :
– Je te donne une pomme.
Carulina lui donne une pomme.
Et l’animal mange le fruit.
- [Car.]. Concernant les ressources utilisées (images, textes et bandes son), voir Crédits et droits d’auteur. ↩
- [PraGra.], p. 163-166. Voir également [Co23.], p. 245-244, où il est expliqué que, dans le régiolecte méridional, de nombreux noms masculins ont un pluriel en -a (Ex. : u locu > i loca, u libru > i libra). Il est précisé que ce pluriel masculin en -a peut exister si les noms n’ont pas de féminin direct, ou pour certains pluriels en -i qui deviennent des pluriels en -a si la quantité est précisée (et inversement, un nom peut avoir un pluriel en -a usuellement, mais en -i s’il est accompagné d’un adjectif). Voir aussi le document très complet d’InterRomania : InterRomania | Documenti: les classes nominales. ↩
- [Cun.], pistes 17 (Boziu), 38 (Celavu) ; [Car.], pistes 1, 4 (Moita Verde), 6 (Gravona), 14 (Rocca). ↩
- [Car.], Piste 7. Un seul des quatre mots a été vu dans le vocabulaire, parce que les trois autres sont « transparents » (c’est-à-dire que leur sonorité est tellement proche des mots équivalents en français, que l’on devine par soi-même leur signification). ↩
- « Existe-t-il un article indéfini (pluriel) en corse et en italien ? », Faits de langues n°4 | Septembre 1994, Giacomo Mathée, 1994, pp. 237-244 [accessible en ligne sur www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/flang_1244-5460_1994_num_2_4_964, consulté le 03-06-2015] DOI : 10.3406/flang.1994.964. Mathée Giacomo Marcellesi est également l’auteure de Ghjuvann’Andrìa Culioli, U barbutu di Chera. ↩
- ibid., p. 238 ↩
- Cf. [Cun.], p. 21 et [UCor.], p.5 ↩
- Cf. A lingua corsa | articles et A lingua corsa | tournures ↩
- Cf. [Co23.], p. 63-66. Voir également Apprendre la langue corse | articles et Linguanostra | les articles au pluriel. Ce qui a déjà été vu (sur les articles) : 1.1 et 1.9 – Musique et crépuscule (1). ↩
- [Car.], piste 7 (Gravona) ; [Alm.], piste 15 ; [Cun.], pistes 15 (Boziu), 57 (Talavu). ↩